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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/96

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donné le moindre signe des machinations ténébreuses qu’on lui attribue. On le voit beaucoup moins dans le monde des salons, car il y rencontre lord L’Estrange, et si brillant et si beau que soit Peschiera, Harley, comme Rob Roy Macgrégor, est sur sa bruyère natale, ce qui lui donne sur un étranger un avantage prononcé. Peschiera se contente donc de briller dans les clubs où il joue très-gros jeu. Lui et le baron Lévy se voient presque tous les soirs. Audley Egerton a été tout entier plongé dans les affaires. Harley n’a pu le voir qu’une seule fois. Il a voulu alors lui exprimer son opinion sur Randal Leslie et raconter à l’homme d’État l’histoire de Burley et du pamphlet. Egerton l’a arrêté court.

« Mon cher Harley, n’essayez pas de me détacher de ce jeune homme, je ne veux rien entendre qui lui soit contraire. Et d’abord, cela ne changerait rien à la ligne de conduite que j’ai adoptée à son égard. Il est le parent de ma femme ; je me suis chargé de sa carrière à la prière de celle-ci, c’est donc un devoir que je remplis. En l’attachant si jeune à mon sort, je l’ai éloigné des professions dans lesquelles son travail et ses talents (car il en a de peu ordinaires) l’auraient conduit à la fortune ; ainsi donc, qu’il le mérite ou non, je m’efforcerai d’assurer son avenir, et de plus, bien que je me montre froid envers lui et que peut-être il soit intéressé, j’ai pour lui une sorte d’affection. Il a longtemps vécu sous mon toit, il dépend de moi ; il s’est montré docile et prudent, et je suis isolé et sans enfants ; épargnez-le donc, car c’est m’épargner moi-même ; ah ! Harley, j’ai maintenant tant de soucis que…

— Oh ! n’en dites pas davantage, cher Audley, s’écria le généreux ami ; combien l’on vous connaît peu ! »

La main d’Audley tremblait. Il était évident que ses nerfs s’affaiblissaient.


CHAPITRE XXVIII.

Le Parlement s’était réuni, des événements dont le récit appartient à l’histoire avaient contribué à affaiblir encore l’administration. Randal Leslie était tout entier absorbé par la politique, car l’enjeu était pour lui sa carrière tout entière. Si Audley perdait le pouvoir et le perdait pour toujours, il n’avait plus aucun moyen d’être utile à son protégé ; mais abandonner son patron comme Lévy le lui conseillait et s’attacher, dans l’espoir d’obtenir un siège au Parlement, à un étranger, à un homme obscur tel que Dick Avenel, c’était un plan qui voulait être sérieusement examiné avait d’être adopté. En attendant presque chaque soir, lorsque la chambre était réunie, cette pâle figure qui aux yeux de Lévy personnifiait l’habileté et l’énergie, apparaissait sur