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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/14

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chaleureux et sympathique, je découvre en vous des sentiments semblables aux miens. Buvons ensemble à la prolongation des jours du vénérable Ude.

— De tout mon cœur, lui dis-je, en remplissant mon verre jusqu’au bord.

— Quel malheur, reprit Guloseton, qu’Ude dont la science pratique était si parfaite, ait écrit ou laissé écrire par d’autres l’ouvrage qui a été publié sous son nom ! Il est vrai que l’introduction dont vous venez de réciter un passage avec tant d’âme, est composée avec une grâce et un charme inimitables ! mais les préceptes du livre sont insipides et même si erronés parfois, que nous avons lieu d’en suspecter l’authenticité. Mais, après tout, la cuisine n’est pas susceptible de devenir jamais une science écrite ; c’est une philosophie pratique.

— Ah ! par Lucullus, m’écriai-je, en interrompant mon hôte, que voilà une Béchamelle idéale ! oh ! quelle inimitable sauce ; voilà des poulets dignes de l’honneur qu’on leur a fait de les servir sur votre table ! Mylord, croyez-moi, de votre vie n’acceptez de poulet à la campagne :


J’ai toujours redouté la volaille perfide
Qui brave les efforts d’une dent intrépide,
Souvent par un ami dans les champs entraîné,
J’ai reconnu le soir le coq infortuné
Qui m’avait le matin, à l’aurore naissante,
Réveillé brusquement de sa voix glapissante ;
Je l’avais admiré dans le sein de la cour ;
Avec des yeux jaloux j’avais vu son amour.
Hélas, le malheureux, abjurant sa tendresse,
Exerçait au souper sa fureur vengeresse.


Pardonnez la longueur de ma citation en faveur de son à-propos.

— Je pardonne, je pardonne, me répondit Guloseton en riant de bon cœur de cette tirade ; puis s’arrêtant tout à coup, il me dit : Soyons sérieux, monsieur Pelham, il ne faut pas rire, cela pourrait troubler notre digestion.

— C’est vrai, répondis-je en reprenant mon sérieux, et si vous voulez me permettre encore une citation, vous verrez ce que dit mon auteur d’un dîner interrompu :