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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/21

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« Le temps est enfin venu pour moi de vous demander une satisfaction si longtemps différée. Le porteur de ce billet, qui est probablement connu de vous, conviendra, avec telle personne que vous désignerez, du lieu et de l’heure de notre rencontre. Il ignore la nature des torts dont j’ai à me plaindre de votre part, mais il s’en rapporte à mon honneur ; votre second, je le présume, en agira de même avec vous. Quant à moi j’ai le droit de ne pas croire à votre honneur et de déclarer hautement que vous n’avez ni principe ni courage et que vous n’êtes qu’un manant et un poltron.

« Réginald Glanville. »


« C’est vous qui avez été mon premier ami, lui dis-je, après avoir lu cette flatteuse épître, et je ne déserterai pas le poste que vous me confiez ; mais je vous dirai en toute franchise et sincérité, que j’aimerais mieux me faire couper la main droite que de remettre ce billet à sir John Tyrrell. »

Glanville ne répondit pas ; nous marchâmes côte à côte ; tout à coup il s’arrêta et me dit : « Ma voiture est au coin de la rue, partez vite, Tyrrell loge à Clarendon ; vous me trouverez chez moi à votre retour. »

Je lui serrai la main et me hâtai d’aller accomplir ma mission qui était, je l’avoue, des plus déplaisantes et des plus désagréables. D’abord, il m’était pénible de prendre parti dans une affaire dont j’ignorais complètement la nature ; ensuite, je me disais que si cette rencontre devait se terminer par quelque catastrophe, le monde serait en droit de me blâmer hautement d’avoir accepté la mission de porter à un homme riche et de bonne famille une lettre aussi insultante, sans connaître les motifs de l’insulte. D’un autre côté, j’étais plus attaché à Glanville qu’on n’eût pu le croire à en juger par mon caractère apparent, et quoique je fusse par tempérament d’une complète indifférence à l’endroit d’un danger personnel, je tremblais comme une femme à l’idée du danger que je lui faisais courir en portant ce cartel. Mais ce qui pesait plus que toutes ces réflexions, sur ma résolution, c’était le souvenir d’Hélène. Si son frère venait à succomber dans cette ren-