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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/39

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pied de cette montée dont nous faisions lentement l’ascension était un terrain vague, abandonné, qui s’étendait au loin ; un héron, qui s’éleva de cette lande en déployant ses vastes ailes, attira mon attention vers une mare couverte de joncs et à moitié abritée sous le feuillage d’un arbre caduc. À en juger par la largeur de son vaste tronc creusé par le temps, cet arbre devait avoir servi de refuge à cet oiseau et, peut-être, à d’autres animaux sauvages, à une époque déjà éloignée, quand tout le pays, à plusieurs lieues à la ronde, n’était pas plus civilisé, ni plus cultivé que le lieu désolé où ce vieil arbre solitaire plongeait ses racines séculaires. Il y avait quelque chose de bizarre et de grotesque dans la forme contournée et sinueuse de ses branches dénudées et rabougries : on aurait dit un spectre : il y avait surtout deux rameaux qui dépassaient les autres et s’avançaient comme deux bras suppliants, tandis que le tronc s’inclinant, comme un vieillard sur le bord de sa fosse, courbait sa tête dévastée. Ce n’est pas tout, le tronc fendu par le milieu, s’écartait en deux et figurait deux jambes comme pour ajouter à la vraisemblance de cette illusion gigantesque. L’imagination se représentait quelque métamorphose antédiluvienne, quelque fille des Titans conservant, sous sa forme nouvelle, quelque chose de l’attitude suppliante qu’elle avait prise en adressant sa dernière prière à l’Olympe impitoyable.

On ne voyait, au loin, que ce seul arbre ; les détours de la route et les inégalités du terrain nous cachaient complètement la maison devant laquelle nous avions passé et ses sycomores entremêlés de pins, triste plantation. La mare lugubre et l’arbre-fantôme qui semblait en être le gardien, la lande aride qui s’étendait au loin, et ce pays désert où l’œil ne pouvait découvrir aucune habitation humaine, tout conspirait pour donner à cette scène un air désolé.

Je ne sais comment cela se fit, mais tandis que je regardais en silence autour de moi, il me sembla que j’avais déjà vu cet endroit. C’était comme un souvenir vague et confus qui tenait du rêve ; je me sentis frappé au cœur par une sorte de pressentiment douloureux et indéfinissable. Nous ne tardâmes pas à arriver au sommet de la côte et le reste