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de notre route étant plus facile et plus uni, nous accélérâmes l’allure de nos chevaux et nous fûmes bientôt arrivés au but de notre expédition.

Le terrain des courses avait son contingent ordinaire d’intrigants et d’imbéciles, de dupes et de fripons. Cette pauvre lady Chester qui avait pris par la grande route (car le chemin que nous avions suivi était impraticable pour les voitures, surtout pour les carrosses dont les cochers sont haut perchés), se faisait voiturer çà et là, image vivante du froid et de l’ennui. Quelques calèches isolées avaient un air triste et affligé, comme si elles étaient venues là pour suivre le convoi de leurs maîtres qui n’étaient pourtant point en danger de mort, et ne couraient d’autre risque que de perdre là leur réputation ou leur bourse. Comme nous avancions le long de la tribune, sir John Tyrrell passa près de nous. Lord Chester l’accosta avec familiarité et le baronnet se joignit à nous. Il avait été fanatique des courses dans son jeune temps, et il les aimait encore avec passion.

Il me parut que lord Chester ne l’avait pas vu depuis plusieurs années et, après une de ces conversations courtes mais caractéristiques comme : « Mon Dieu, qu’il y a longtemps qu’on ne vous a vu ! vous avez là un bon cheval. — Vous avez maigri. — Une bête bien bâtie. — Qu’est-ce que vous avez fait ? — de la vigueur. — Nous ne sommes pas en retard ! — fameux poitrail ! — Vous rappelez-vous le vieux Queensbury ? il avait bien de l’ardeur, fini, il est au diable ! — Où en sont les paris ? » lord Chester invita Tyrrell à venir au château avec nous. L’invitation fut acceptée avec empressement.


Emportés malgré nous, nous roulions, entourés de spectres.

Shelley.


Alors commencèrent le bruit, le tapage, les jurons, les mensonges, les parjures, les fourberies, l’agitation et le mouvement désordonné de la foule, l’ardeur, l’impatience, l’espoir, la terreur, les transports et l’agonie de la course. Une fois le premier brouhaha passé, l’un me demanda une