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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/55

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aux ablutions d’usage avant le dîner ; et je le suivis dans l’escalier jusqu’à une sorte de cabinet de toilette en mauvais état, sans cheminée, où je trouvai un pot à eau en terre jaune et une cuvette. La serviette était d’un tissu si grossier que je ne voulus pas exposer la délicatesse de mon visage au contact de sa rudesse ; ma peau n’est pas faite pour d’aussi grossiers rapprochements. Pendant que je passais mollement et discrètement mes mains dans une eau crue qui n’avait point été puisée à la fontaine de Blandusie, essayant de tirer parti de cette affreuse substance qui porte le nom de savon de Windsor, j’entendis la respiration haletante de ce pauvre Clutterbuck dans l’escalier. Bientôt il entra dans une chambre voisine. Deux minutes après son domestique vint le trouver, car j’entendis la voix enrouée de cet homme qui lui disait :

« Il n’y a plus de vin cacheté, monsieur.

— Il n’y en a plus, bon Dixon. Vous vous trompez étrangement. J’en avais encore deux douzaines de bouteilles il n’y a pas quinze jours.

— Je ne sais pas, monsieur, répondit Dixon d’un ton à moitié impertinent, mais ce que je sais c’est qu’il y a de grandes bêtes, des espèces d’alligators, dans la cave, qui cassent toutes les bouteilles.

— Des alligators dans ma cave ! dit Clutterbuck au comble de l’étonnement.

— Oui monsieur, du moins une espèce de reptile venimeux qui y ressemble et que les gens par-ici appellent des salamandres.

— Quoi ! dit Clutterbuck innocemment, et sans s’apercevoir de l’ironie de sa question… Quoi, les salamandres ont brisé deux douzaines de bouteilles dans une semaine ! À coup sûr voilà qui est étrange, que de petits animaux de l’espèce des lézards aient des instincts aussi destructeurs !… peut-être ont-ils de l’antipathie pour l’odeur du vin. J’en parlerai à mon savant ami le Dr Dissectall ; il doit connaître la force et les habitudes de ces animaux. Alors montez-nous un peu de porto, bon Dixon.

— Oui, monsieur. Il n’y a plus d’orge ; je n’en ai pas à donner au cheval de ce monsieur.