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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/69

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congratuler de mon incomparable génie. Maintenant, me disais-je, j’ai bien gagné mon siège au parlement. Dawton sera sans conteste premier ministre, ou au moins le ministre le plus important par son rang et son influence ; il ne peut manquer de me pousser, car son intérêt est lié au mien ; et une fois que j’aurai mis un pied à Saint-Stéphens j’aurai bientôt mis la main sur un emploi : « le pouvoir » a dit quelqu’un « est comme le serpent, une fois qu’il a rencontré un trou où sa tête peut passer, il trouve bientôt le moyen d’y glisser tout le reste du corps. »

C’était avec de telles méditations que je tâchais de tromper le temps, de m’arracher au regret d’avoir un cheval boiteux, et de me sentir trempé jusqu’aux os. Enfin l’orage s’apaisa ; une pluie diluvienne dont la violence avait toujours été croissante fit place à un moment de calme bientôt suivi d’une nouvelle ondée moins terrible que la précédente. Elle cessa à son tour ; la lune se montra radieuse, les nuages noirs s’enfuirent au loin, laissant à découvert le ciel aussi brillant, aussi souriant que la belle lady*** lorsqu’elle entra au bal après avoir battu son mari à la maison.

À peine une seconde s’était-elle écoulée depuis que le bruit de l’orage avait cessé, lorsqu’il me sembla entendre des cris humains. Je m’arrêtai, comprimant les battements de mon cœur. — À ce moment j’aurais entendu une mouche voler. — Les cris ne se firent plus entendre, mon oreille ne saisit plus que le bruit des gouttes d’eau tombant de la haie et le murmure des ruisseaux qui, gonflés par la pluie, se précipitaient dans le fossé de la route. À ce moment un hibou s’éleva de terre à côté de moi, et traversa la route en criant ; tout cela fut l’affaire d’un instant. Je souris, j’accusai mon imagination et je repris ma route. J’arrivai bientôt à cette descente rapide dont j’ai parlé plus haut ; je mis pied à terre pour plus de sûreté et prenant par la bride mon pauvre cheval harassé et surmené, je lui fis descendre la côte à la main.

À quelque distance devant moi j’aperçus quelque chose de noir qui s’agitait sur le gazon au bord de la route ; comme j’avançais, cet objet sortit de l’ombre et se mit à fuir rapidement ; à la clarté de la lune je reconnus que