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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/70

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c’était un cheval sans cavalier. Un violent frisson m’agita, je cherchai autour de moi une arme quelconque, je m’approchai de la haie voisine et en arrachai un bâton solide avec lequel je pouvais me défendre. Ainsi armé j’avançai avec prudence, mais sans peur. J’étais arrivé au bas de la colline, la lumière de la lune tombait sur l’arbre solitaire et étrange que j’avais remarqué le matin. Triste, dénudé, gigantesque, ce vieil arbre se dressait au milieu d’une vaste plaine désolée ; il empruntait un aspect encore plus lugubre et plus effrayant aux froids et mornes rayons de la lune qui l’entouraient d’une pâle auréole, semblable à un linceul. Le cheval échappé vint se réfugier au pied de cet arbre. Je hâtai le pas, obéissant à je ne sais quelle impulsion, autant que me le permettait l’animal affaibli et épuisé que je traînais après moi. Tout à coup j’aperçus un cavalier qui fuyait à bride abattue à travers la plaine ; la lune l’éclairait, et je reconnus comme en plein jour l’homme au long manteau. Je m’arrêtai : mes yeux qui le suivaient toujours, tombèrent sur un objet sombre qui reposait à ma gauche, au bord de la mare. J’attachai la bride de mon cheval à la haie et saisissant mon bâton d’une main ferme, j’allai droit à cet objet ; je vis bientôt que c’était un homme couché et sans mouvement. Ses jambes étaient à moitié enfoncées dans l’eau et sa face était tournée vers le ciel. Son cou et sa poitrine étaient tachées de sang, ses cheveux rares, d’un noir foncé, étaient collés à sa tempe où se voyait une affreuse blessure. Je me baissai en frissonnant, je retenais ma respiration, je tremblais… ce visage, c’était bien celui de John Tyrrell.