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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/71

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CHAPITRE LXV


C’est une chose terrible, même pour un homme qui n’est point dépourvu de hardiesse, de se retrouver tout d’un coup seul avec un mort. Mais combien cette situation n’est-elle pas plus émouvante lorsqu’un instant avant nous avons vu, touché, plein de chaleur et de vie, ce pauvre corps qui maintenant gît à terre comme une masse inerte.

C’était là cet homme dont je venais de prendre congé avec froideur, avec colère, pour un mot, une vétille. Je pris sa main glacée ; elle retomba, et en ce moment je crus voir comme un mouvement s’opérer sur sa face livide. Je m’étais trompé, c’était un nuage transparent qui passait devant la lune ; le nuage passé, la lumière douce et pure éclaira de nouveau cette scène de sang et d’horreur, rendant plus sauvage et plus horrible encore l’éternel contraste de la terre et du ciel, de l’homme et du créateur, de la passion et du calme immuable, de la mort et de la vie éternelle.

Mais ce n’était pas le moment de philosopher ; un millier de pensées m’assaillirent en un instant, se succédant confusément les unes aux autres sans que je pusse m’arrêter à une seule. Un voile épais s’étendait sur mes facultés, mon esprit était un véritable chaos. Il y avait plusieurs minutes que j’étais là devant ce cadavre, lorsque par un vigoureux effort je sortis de la stupeur où j’étais plongé pour songer enfin à ce que j’avais à faire dans cette triste circonstance.