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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/214

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de ses vols et de ses rapines. Un nid d’aigles, ou plutôt de bêtes humaines, ce coin du Doubs, construit sur terre et non au sommet de rochers inaccessibles. On n’aimait pas Gaudat dans la vallée, même on le redoutait. D’ailleurs, dans l’âme du peuple, il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’estime pour l’homme qui passe une existence oisive, vivant d’expédients plus ou moins honnêtes. Mais Jean Gaudat se souciait fort peu de ce que l’on pensait et disait de lui ; il allait son chemin, bon ou mauvais, avec la seule crainte de faire un faux pas ou d’avoir maille à partir avec la justice.

Des remords ? Il n’en avait point. Chacune de ses coupables actions avait été préméditée et froidement exécutée. Si, quelquefois, aux heures de nuit où le sommeil fuit les paupières, il voyait se dresser un pâle fantôme, il fermait les yeux et détournait son esprit de l’horrible vision. Et c’était tout. Sa conscience était cuirassée contre de telles frayeurs. Si l’on eût posé une oreille où battait son cœur, on n’eût entendu, à ces minutes-là, qu’une pulsation plus rapide qui se régularisait bientôt sous l’effort tout puissant de la volonté. Cependant, il n’était pas très rassuré : le