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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/216

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de si absolument dévoué qu’à ce souvenir seul Ali Gaudat pâlissait. Certes oui, il arrivait trop tard. La place était déjà prise. Maurice séduisait à première vue ; lui, il était laid et n’avait pas une âme très nette. Ah ! comme il le haissait, le rival heureux ! Car, et cet aveu le mettait en colère, Yvonnette aimait le contrebandier.

Il avait une consolation : Maurice, cette fois, n’était plus dangereux. Les mains qui le tenaient ne le lâcheraient pas de sitôt. Une longue condamnation l’éloignerait peut-être pour toujours de la vallée du Doubs, tandis qu’Ali restait, de même que la jeune fille. Et il allait veiller sur celle-ci avec une attention de jaloux, épiant ses allées et venues et résolument décidé à la dernière extrémité si elle n’acceptait pas de devenir sa femme. Il avait réellement l’intention de l’épouser, pour l’avoir encore mieux à lui, sentant instinctivement qu’elle préférerait la mort au plus léger affront. Très rusé, devinant que, pour atteindre son but, il fallait prendre par des sentiers détournés, qui allongeraient inévitablement le chemin, il ne voulait marcher qu’à pas sûrs, sans brusquer les choses. Sa passion était ardente, elle s’était nourrie encore du