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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/24

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L’embarcation amarrée, il prit le sentier des Echelles, au sommet desquelles il arriva bientôt, déployant, à grimper sur ces échelons, une agilité de bête sauvage. Puis il s’assit sur une arête du rocher et laissa son regard errer aux alentours.

La lune montait lentement dans l’azur tout piqué d’étoiles d’un ciel sans nuage. Un air frais, qui souffle presque continuellement dans la vallée, balançait la cime des arbres. Sur la rive opposée, bien haut dans les champs cultivés, on distinguait quelques rares lumières : c’étaient les demeures d’êtres humains qui vivaient misérablement au flanc du coteau. Et au fond, à gauche, entre ses deux parois de pierre, le Doubs roulait ses eaux avec le même bourdonnement que répercutaient les échos des environs. Les choses de la nature avaient de vagues contours, baignées tour à tour de rayons lunaires ou d’ombres noires. Et Jean Gaudat, à la vue de ce monde qui l’entourait, l’enveloppait de sa grande solitude, sûr de son impunité au milieu de la nuit, s’imaginait entendre déjà, mêlé au bruit de la rivière, un tintement de pièces d’or dont le son lui donnait la fièvre.

Et le comte ne venait pas.