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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/25

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Est-ce que Jean Gaudat aurait inutilement mûri son projet ? Non, ce n’était pas possible. La veille, il avait vu une jeune mère, avec un enfant, franchir le seuil de son habitation. Elle avait pour ainsi dire, de son éblouissante beauté, illuminé la chambre où elle était entrée. Le comte devait naturellement chercher à la rejoindre.

En une seule fois, à peine installé sur les bords du Doubs, voilà que Jean Gaudat est sur le point d’avoir beaucoup d’argent. Et il lui en faut, de l’argent, mais un argent qui ne lui demande ni efforts, ni labeurs, pour la possession duquel on ne trouble pas son repos. Il n’a jamais aimé le travail. Là-haut, dans son village, il aurait dû vivre pauvrement, sans espoir de changer de situation ; tandis que, loin de ses semblables, dans cette vallée perdue, s’il ne s’enrichissait pas immédiatement, il pouvait à tout le moins couler à sa guise l’existence qu’il avait recherchée.

Et le comte ne venait pas.

Aurait-il fait peut-être une mauvaise rencontre ? Il faut si peu pour arrêter un homme qui s’enfuit : un rien, l’un de ces accidents que l’on ne prévoit pas dans les plans les mieux