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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/90

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jeune fille à la tête auréolée de cheveux d’or, cueillant des fleurs au pied d’une immense paroi de rochers. Ah ! la délicieuse apparition ! Et comme elle personnifiait bien le rêve qu’en ses loisirs d’adolescent il avait ébauché de la femme qu’il aimerait un jour ! C’était, pour lui, le rayon de soleil après l’orage, le printemps s’installant à la place de l’hiver. Avec elle et pour elle, il braverait tout, supporterait tout, triompherait de tout. Yvonnette ! Yvonnette ! Ce nom, aux syllabes qui sonnent la jeunesse, revenait à présent dans ses monologues, il y trouvait comme un parfum d’amour en le répétant tout bas, seul devant les décombres de l’ancienne maison de ses pères. Que n’était-il encore debout, le vieux château ! C’eût été alors un grand et légitime orgueil pour Maurice d’y amener cette jeune fille rencontrée par hasard et à laquelle il allait désormais vouer les plus pures pensées de sa vie.

Il ne voulut même pas dire qui il était. Les esprits avaient bien changé. Le paysan, non pas enrichi, mais affranchi par la Révolution, n’entendait pas sacrifier de nouveau le fruit de sa longue attente, de ses sueurs de plusieurs siècles. Il était le maître de son champ.