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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/99

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enrichir rapidement. Aïe ! qu’est-ce que je vous conte là ! Une belle affaire, notre misère. Si, au moins, pendant ces troubles de la Révolution, nous avions été dans une ville ou même dans un village. Nous aurions eu aussi notre part du gâteau. Ces aristocrates, ils ne valaient pas grand’chose. Mon homme a dû marcher sur un orvet, ou rencontrer un moine, le jour où il a décidé de s’établir ici, dans cette vallée de malheur. Nous n’y avons trouvé qu’une longue suite d’années de misère. Et on n’en voit même pas la fin, avec tout ça…

— Consolez-vous, la femme ! Vous n’êtes pas la seule à murmurer contre le sort. Il y en a sans doute des cent et des mille qui vous ressemblent. Du moins, vous, vous n’avez pas eu faim. Et vous n’êtes pas déjà si mal ici, loin du monde, tranquilles, n’ayant rien à redouter. Et vos enfants non plus ne vous causent pas de chagrin.

— Qu’en savez-vous ? Cette Yvonnette me tournera les sangs. Enfin, je bavarde. Mon mari me l’a déjà dit cent fois. Descendrez-vous bientôt, avec vos contrebandiers ?

— Oui, dans une ou deux semaines. Tenez, voilà pour ma consommation. Au revoir !