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Page:Cailhava de l’Estandoux - L’égoïsme, 1777.djvu/127

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COMÉDIE

Enfant né du dépit, plutôt que de l’étude,
Publié par l’orgueil & par l’inquiétude,
Où l’esprit de parti s’obstine à rejetter
Tout ce qu’il n’a pas eu la gloire d’inventer ;
Où, donnant des conseils dictés par l’infamie,
Vous offrez les moyens d’opprimer la patrie.

PHILEMON.

On veut se faire un sort… on cherche un protecteur.

POLIDOR.

Eh ! quel mortel auroit assez peu de pudeur
Pour avouer l’Auteur d’un misérable livre
Où l’Égoïsme est peint comme un systême à suivre ?
De ce principe affreux conçois-tu les effets ?
Il arme contre toi femme, enfans & valets.
Que dis-je ? l’univers ! Ton Livre est son excuse. —
Le foible, pour te perdre, a recours à la ruse ;
Le puissant, aguerri par vingt crimes divers,
Pour usurper tes biens, te jette dans les fers,
Et la Société, par degrés corrompue,
Elle qui fût jadis à ton secours venue,
Sur l’intérêt du jour décide de ton sort,
Et te force à gémir sous la loi du plus fort.
Vingt brigands réunis, d’après ton bel ouvrage,
Pourront soumettre un peuple au joug de l’esclavage.
Ton Livre à chaque mot distille le poison.
Qui t’a donc conseillé d’écrire ?

PHILEMON, fièrement.

Qui t’a donc conseillé d’écrire ? Ma raison.

POLIDOR, ironiquement.

Fort bien : votre raison vous est très-favorable ;
L’exil en est le prix.

PHILEMON.

L’exil en est le prix.Oh malheur qui m’accable !