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Préface.

tenté davantage : mon héros quitte le théâtre en disant qu’il est vaincu pour le moment, mais qu’il va approfondir l’art d’attirer tout à soi, & l’imagination du Spectateur peut s’étendre plus ou moins, selon les idées qu’il a de l’Égoïsme.

Aux traits de génie que nous venons de remarquer chez Moliere, il faut joindre l’art presque inconcevable qu’il met en usage pour donner à ses pieces de caractere la perfection qu’elles doivent avoir ; c’est-à-dire, pour les rendre morales. Prenons encore pour exemple le chef d’œuvre de tous les Théâtres. Quel est le but moral que Moliere s’est proposé dans le Tartuffe ? Il ne s’est pas borné à vouloir corriger les imposteurs, gens très-incorrigibles pour la plupart ; il a voulu plutôt éclairer les hommes faciles qui se laissent éblouir par l’imposture, & les faire rougir de leur crédulité. Quelle honte que l’ignorance ait reproché & reproche encore à Moliere ce qu’on ne devroit jamais cesser d’admirer ! la facilité d’Orgon. Ne voudroit-on pas qu’il eût fait lutter un homme adroit avec un homme adroit ? dès-lors, outre que l’intérêt, comme nous l’avons déjà dit, seroit partagé, plus de comique, plus de morale. Je ne me suis pas laissé corrompre par des clameurs si souvent