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Page:Cailhava de l’Estandoux - L’égoïsme, 1777.djvu/73

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COMÉDIE

Pensent remplir au monde un rôle fort utile ?
(D’un ton sententieux.)
Quand près de cinquante ans l’on a servi son Roi,
On a, je crois, le droit de vivre en paix chez soi.

POLIDOR, se calmant un peu.

Tu dis vrai ; mais…

PHILEMON.

Tu dis vrai ; mais…Durand blâme encore ma mere.
Vous avez remarqué quel est son caractère ?

POLIDOR.

À peu près : j’ai cru voir qu’elle aime à se citer.

PHILEMON.

Oh, oui ! tout lui paroît matière à se vanter ;
Et pour faire avec nous la femme essentielle,
Elle veut que sans cesse il soit question d’elle.
La chose est toute simple, & ne me surprend pas.
Toute femme qui voit éclipser ses appas,
D’un amour suranné qui craint le ridicule,
S’arrange avec le monde, en secret capitule :
Pour y tenir son coin & cacher son dépit,
Elle devient alors joueuse, ou bel esprit ;
De la dévotion affiche l’étalage,
Ou prend avec éclat les rênes du ménage. —
Eh bien, ce dernier rôle est, je crois, le meilleur
Pour celle qui le prend, surtout pour le bonheur
De ceux que le destin force à vivre avec elle.

POLIDOR.

L’on peut voir tout cela d’un autre œil.

PHILEMON.

L’on peut voir tout cela d’un autre œil.Bagatelle !
Sans mes soins, vous alliez vous chagriner pour rien.