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Page:Cailhava de l’Estandoux - L’égoïsme, 1777.djvu/80

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L’ÉGOÏSME,

POLIDOR.

Vous voulez donc savoir ?…Sans doute, & dans l’instant.

PHILEMON.

N’allez pas m’enlever toute votre tendresse,
Quand je découvrirai l’excès de ma foiblesse.
Je la sens redoubler, à ne vous cacher rien,
En apprenant de vous que Constance est sans bien.
Pour un cœur délicat, la volupté suprême
Est de ne rien devoir à la beauté qu’on aime. —
Votre pupille…

POLIDOR.

Votre pupille…Eh bien !

PHILEMON.

Votre pupille…Eh bien ! Ses vertus, ses attraits
Dans mon âme avoient fait les plus tendres progrès,
Lorsque je démêlai les desirs de mon frère,
Et que je méditai le projet téméraire
De faire triompher l’amitié de l’amour.
Je m’étois du succès flatté jusqu’à ce jour.
Orgueilleux que j’étois, homme foible & vulgaire !
Le bonheur d’un rival (de quel rival, d’un frère)
Me cause en approchant le plus mortel chagrin.

POLIDOR, souriant.

L’homme a cru triompher de l’homme : projet vain !

PHILEMON.

Vous avez voulu voir les replis de mon âme.

POLIDOR.

Mon cher, je puis encor récompenser ta flamme.

PHILEMON, se récriant.

Je mettrois à mon frère un poignard dans le sein !