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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/36

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CATHERINE DE MÉDICIS

trôle du Roi Catholique sur les affaires de notre pays, par l’aide qu’il donnerait en argent et en hommes. Cette politique impliquait par contre l’inimitié avec l’Angleterre, et même la guerre avec cette puissance, puisque les Guises intervenaient en Écosse en faveur des Stuart ; et, par un certain côté, elle apparaissait favorable à la continuation des expéditions ruineuses en Italie.

Le programme de gouvernement par les Montmorency et les Châtillons, avec la collaboration des réformés, présentait un caractère infiniment plus national ; il comportait d’ailleurs un certain nombre de dangers. C’était théoriquement la paix à l’intérieur, la réunion des Français dans leurs églises, l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne, l’amitié anglaise, l’expansion coloniale des huguenots en Amérique. Maintenir les frontières de l’est, renoncer aux affaires d’Italie, est sage. Pousser à la guerre les gens des Pays-Bas, soutenir leur révolte, peut sembler chimérique, et même dangereux. Si l’on porte un coup à l’occupation espagnole, on risque, en intervenant aux Pays-Bas, de s’aliéner la bienveillance d’Elisabeth, qui était cependant l’amie des réformés. Car l’Angleterre ne supporte pas l’idée d’une voisine trop puissante ; elle préfère voir aux Pays-Bas les Espagnols que les Français. Elisabeth n’a jamais pris un parti très net à ce sujet ; et le plus souvent, elle a fait la même politique que Philippe II, qui était d’entretenir des troubles dans notre pays. À aucun prix le roi d’Espagne ne supportera une menace visant la route des Pays-Bas, et l’établissement des Français en Amérique. D’autre part, la reine-mère ne peut ignorer que dans certaines réunions de ministres réformés, des extrémistes débattaient la question de la légitimité des magistrats en France, de l’autorité des gouverneurs, que les gentilshommes faisaient faire des quêtes, que certains marquaient une extrême défiance pour sa personne.

Tels sont les vastes problèmes qui se posaient aux esprits politiques de ce temps à propos de la tolérance[1] et de la Réforme. Ils tournent, certes, dans l’esprit de la reine-mère, et agitent parfois le conseil des affaires. Mais Catherine de Médicis, réaliste et française, semble vouloir les éluder, les remettre à plus tard. Parmi ces violents qu’elle connaît tous, qui l’ont fait pleurer et souffrir, qui ont changé tant de fois leurs batteries, dont certains ont menacé de la jeter à la rivière dans un sac, elle demeure une

  1. On disait alors de la « pitié ».