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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/37

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CATHERINE DE MÉDICIS ARBITRE

femme. Elle est surtout une mère qui veut gagner du temps. Catherine a confiance dans son adresse ; elle croit pouvoir arranger les choses, comme des affaires de famille, en parlant à son gendre, en proposant des alliances matrimoniales à la reine Elisabeth d’Angleterre, en écrivant directement au pape, et même en présidant des réunions où les matières de la foi seraient agitées. C’est une politicienne. Catherine demeure catholique, certes ; mais la nièce du pape ne se doute pas un seul instant de ce qu’est la religion. Elle arbitre tout, en général dans un sens humain et national. Et celle où nous voyons le type du machiavélisme vit au jour le jour ; elle semble ne pouvoir se décider, aux yeux des Français en bataille et des ambassadeurs étrangers qui l’observent. Suriano a écrit d’elle : « Le roi est jeune, la reine-mère a peur et n’ose pas combattre[1]. »

Que n’a-t-elle pas enduré depuis la mort de son mari ? Des violents se sont agités pour la dominer. Autant qu’elle l’a pu, elle les a opposés, tour à tour, les uns aux autres. La reine-mère sait le pays sans ressources, le poids de quarante millions de dettes, les difficultés de chaque jour pour nourrir et habiller une maison où l’on ne peut pas toujours payer ses serviteurs ; elle n’ignore pas la plaie des soldats sans emploi, comparable à celle de nos chômeurs ; elle sait les Français divisés dans leur conscience. Un pays étranger, l’Espagne catholique, s’est proposé d’intervenir dans nos affaires intérieures, moins pour se préserver de l’hérésie que pour sauvegarder sa domination aux Pays-Bas et protéger ses colonies. C’est cela que la reine-mère a compris. Catherine de Médicis veut gagner du temps, sauver la couronne d’un roi adolescent ; et Charles IX ne paraît d’ailleurs pas avoir beaucoup plus de santé que François II qui est mort enfant. Celle dont nous admirons l’esprit politique, la reine-mère dont ses panégyristes ont loué, après coup, la maîtrise, la duplicité, et même de trop grands projets, passe, aux yeux de ceux qui l’observent le plus attentivement, et avec le plus de sympathie, pour une femme faible, qui ne sait pas prendre une résolution. Elle connaît parfaitement tous les chefs de partis, pense qu’elle ne peut faire fond sur aucun d’eux plus particulièrement, pas même sur celui qui dirige son conseil, le connétable de Montmorency. Il est un vieillard ondoyant, qui

  1. Protéger ses enfants, ne pas les jeter dans un risque, est chez elle une obsession.