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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/38

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CATHERINE DE MÉDICIS

poursuit une politique personnelle et de famille, bien que dans le fond de son cœur il soit aussi catholique que national. Catherine de Médicis aime sa conversation, apprécie ses avis ; mais elle cherchera toujours à tenir entre tous les partisans le fléau de la balance égal. Dans cet équilibre, elle voit le prestige du pays, et surtout le rayonnement de la couronne. Car pour la maison de France, Catherine de Médicis avait un respect filial.

Que de difficultés, en un temps où l’idée de tolérance, entrevue par de très rares esprits, n’est, pour ainsi dire, nulle part. Une pensée libérale n’apparaît ni chez les ministres, incapables de retenir leurs troupeaux, ici terrifiés, ici portant la terreur ; ni chez les pasteurs catholiques, qui sont tantôt des victimes, tantôt des oppresseurs ; ni dans les gouverneurs, ni dans les élus des villes, ni dans le peuple de France, formé surtout de mécontents. Les marchands, qui n’ont plus de crédit, ne font pas leurs affaires. La peur fait naître partout l’accident. La tragédie du XVIe siècle est celle de la crainte, alimentée par la calomnie ou les fausses nouvelles. La violence apparaît partout, au village, dans les villes ; elle se montre sous toutes les formes de l’oppression religieuse, dans un clergé qui détient les ressources financières, qui sait qu’une réforme est nécessaire, mais qui espère aussi qu’elle ne se fera pas, car elle touche à trop de privilèges, à trop d’intérêts matériels.

Les esprits sont agités, dans les classes de la bourgeoisie, dans le peuple, chez le soldat qui rêve d’aventures. « Le crocheteur s’égale au citoyen », comme l’a dit Ronsard dans un vers où il dénonce l’une des misères de ce temps. Et simplement de la misère sont nées les mauvaises mœurs qui scandalisent les moralistes. On se vend, les hommes comme les femmes : les femmes pour le plaisir, les hommes à l’étranger pour de l’argent, ou bien aux factions. D’instinct, les hommes se groupent autour d’un chef. Le pillage est à l’ordre du jour, car c’est une façon d’acquérir la richesse, pour le hobereau, pour le soldat cassé aux gages. Et la populace, envieuse et pauvre, qu’elle soit catholique ou huguenote, profite des troubles « sous le prétexte de religion » pour piller.

Que dire des commerçants qui, même dans les grandes villes, à Paris comme à Lyon, n’observant plus les contrats, ne jouissent plus de crédit ? Partout l’insalubrité matérielle et morale.

Est-il trop tard pour remettre un peu d’ordre dans la vie du