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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/40

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CATHERINE DE MÉDICIS

qu’elle avait prêté aux réformés. C’est à la suite de cette victoire que la reine avait fait déclarer par le Parlement de Rouen Charles IX roi de France, et hors de minorité.

Telle se montra Catherine en ces jours, une mère qui vivra pour les siens et pour le pays. Elle est alors dans la plénitude de son développement physique et intellectuel, une majestueuse Junon, comme disent ses poètes. Elle a l’embonpoint de ses quarante-cinq ans ; sa figure cireuse s’empâte, car elle mange trop, et n’a plus le loisir de la chasse et de l’équitation. Des fils blancs apparaissent dans sa chevelure, sous sa guimpe de veuve ; ses yeux noirs et globuleux demeurent ardents ; elle a un double menton. La reine-mère demeure la femme en noir, irréprochable et sans tache, d’une parfaite tenue qu’elle impose autour d’elle. Elle se retrouve elle-même devant son encrier et ses papiers, écrivassière, femme encore en cela. Son écriture n’est qu’à elle, claire cependant, mais parfois assez déprimée. Quel équilibre dans le raisonnement ; quelle indépendance dans ses graphies, où l’on retrouve comme sa manière de prononcer !

Pacificatrice avant tout, active, d’un optimisme déconcertant, Catherine de Médicis travaillera par-dessus la tête de ses ambassadeurs, écrivant à son gendre Philippe II avec la même liberté qu’à la reine sa femme. Elle se refuse à croire aux passions des hommes ; elle s’amuse de leurs mensonges, rit de leurs propos diffamatoires, voyant tout sous l’angle de la politique qui accommode, ne voulant pas savoir ce qu’est un problème religieux. La reine-mère a choisi cette position moyenne, et par là mécontentera tout le monde ; car les Espagnols, aussi bien que les huguenots, la tiendront pour très fausse. Arbitrant, maquignonnant dans un noble but, croyant pouvoir résoudre elle-même, dans un concile national, les oppositions doctrinales d’un jésuite comme Laisnez, ou d’un noble réformé, comme Thédore de Bèze, elle proposera à ce dernier un évêché ! Quelle santé robuste, et quel optimisme ! Mais aussi que de faiblesses, reconnues par les hommes vigoureux qui l’entourent, les féodaux qui ont une autre idée sur les forces en présence, et la manière d’en tirer un profit partisan.