Aller au contenu

Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
CATHERINE DE MÉDICIS

catholique est ruinée en France, et qu’il n’y a plus à attendre de remède pour le repos de la Chrétienté que dans le secours du Ciel.

L’ambassadeur d’Espagne, Perrenot de Chantonnay, trace en ces jours le tableau le plus vif des événements dans la capitale justifiant cette manière de voir.

À la fin de l’année, qui était une période de fêtes, le jour de la Noël, le roi et la reine-mère avaient assisté à la messe dans une des églises de Paris, et aux vêpres à Notre-Dame. Puis ils s’étaient rendus à une procession expiatoire à Sainte-Geneviève. Un homme, à l’instant où le prêtre levait l’hostie, la lui avait arrachée des mains ; il l’avait piétinée ! Les assistants lui avaient aussitôt mis la main au collet, et l’abbé était accouru au Louvre pour se plaindre. On avait fait immédiatement le procès de cet homme auquel on avait coupé le poing devant l’église ; puis on l’avait conduit à la place Maubert pour être brûlé vif. Comme il avait montré quelque repentir, et déclaré qu’il entendait mourir en catholique, on l’avait étranglé avant de le placer sur le bûcher. L’homme n’était pas un huguenot, mais un fou qui se disait philosophe et voulait éprouver par une mort volontaire que l’âme est immortelle. L’exécution avait eu lieu au grand contentement du peuple.

Telles étaient les historiettes que Perrenot de Chantonnay adressait à son maître, pour lui montrer la perversité diabolique de la France ! Il lui faisait encore savoir que l’on publiait toutes sortes de petits livres commentant l’édit de pacification, parlant d’une façon malveillante de la messe, et des cruautés commises en Espagne par l’Inquisition depuis l’année 1559.

Perrenot de Chantonnay avait apporté ces libelles à la reine-mère, car cela intéressait la justice du Roi Catholique, Catherine s’était bornée simplement à le remercier. L’ambassadeur avait profité de cet entretien pour lui dire :

— Pendant que nous sommes ensemble, je vous supplie de me permettre de vous aviser d’une chose qui a une certaine importance. C’est très bien à vous de vous occuper d’organiser des sermons ; mais je dois vous signaler que peu de personnes s’y rendent, et qu’il y en a chaque jour de moins en moins. Certains n’écoutent pas ce que l’on dit ; les autres ne pensent pas à ce qu’ils entendent, et oublient vite ce qu’ils ont écouté. Mais ces livres que l’on publie en grande quantité, sans nom d’auteur ni d’imprimeur, passent entre les mains de vingt mille catholiques, au moins, qui les par-