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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/51

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PHILIPPE II REGARDE NOTRE PAYS

courent par curiosité et risquent par là d’encourir la damnation éternelle. Et ainsi les relisant plusieurs fois, ils peuvent les apprendre par cœur, beaucoup mieux qu’un sermon qu’ils n’entendent qu’une fois.

La reine répondit :

— C’est une très bonne remarque, et j’ai le désir de porter remède à cet état de choses.

Alors Chantonnay lui avait mis sous les yeux un de ces livres, traitant de l’Inquisition d’Espagne, bien offensant pour sa Majesté Catholique. On y parlait des « martyrs », ce qui était offenser toute la Chrétienté ; et les choses de la religion étaient elles-mêmes présentées comme des idolâtries, des superstitions, des abominations. Cela touchait aussi bien le Roi Catholique que le roi très Chrétien, puisque tous deux partageaient cette croyance.

La reine demanda :

— Qui vous a donné ces livres ?

— Je les ai reçus et je vous demande la permission, quand j’en aurai de pareils, de vous les signaler.

Catherine de Médicis le remercia, et se réjouit de la bonne volonté que le nonce lui avait témoignée.

Le lendemain Chantonnay lui envoyait encore deux de ces livres. La reine dit :

— Ils viennent de Flandre.

— Non, Madame, ils viennent de Montargis[1], et de la maison de la duchesse de Ferrare !

Et Perrenot de Chantonnay croyait observer alors que la reine-mère supportait avec quelque gêne la grande autorité qu’elle avait donnée au connétable. Anne de Montmorency avait rejoint sa belle maison de Chantilly ; mais ayant laissé à la cour ses neveux, il jouissait ainsi de plus d’autorité encore. On lui communiquait tout ce qui se passait au conseil ; et au conseil, il accueillait, suivant l’ambassadeur espion, toutes les suppliques des hérétiques. Le connétable ne se gênait pas pour dire qu’il était responsable de la sûreté de la personne du roi, et que si Charles IX se rendait en Lorraine, il l’accompagnerait, avec un grand nombre de fantassins et de gardes à pied, et deux mille gendarmes à cheval.

  1. Résidence de Renée de France, fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne, veuve d’Hercule duc de Ferrare, princesse réformée et si charitable, tenue en haute estime par Catherine de Médicis, et en horreur par les Espagnols.