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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/53

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PHILIPPE II REGARDE NOTRE PAYS

les huguenots procéderaient de telle sorte qu’ils supprimeraient bientôt tous les notables catholiques.

L’incident avait été rapporté au dîner de la reine, où assistaient les Châtillons. Elle continua, souriante, comme si rien de grave ne s’était produit. On connaissait maintenant l’assassin de M. de Charry : c’était un nommé Chastelier[1], familier de l’amiral, qui couchait toujours dans sa chambre, et auquel il avait parlé le matin même, pendant plus de deux heures. L’assassin n’avait pas été poursuivi, et Charry fut enterré sans solennité, bien qu’il commandât cinquante soldats de la garde. On disait, pour expliquer cet assassinat, que le frère de Charry avait tué, dans un duel, le frère de Chastelier. La charge de Charry fut donnée au fils du maréchal de Strozzi, qui passait pour un huguenot, dans la main de l’amiral et de M. d’Andelot.

Et Chantonnay faisait remarquer que, malgré la défense de porter des arquebuses et des pistolets, lorsque le roi s’était rendu, le jour des Innocents, dans la chambre de l’amiral, on aurait pu trouver dans sa maison et ses caves un dépôt de pistolets, d’arquebuses et de petites armes à feu fort robustes. Chaque nuit, quand l’ordre était donné à ceux qui étaient dans la chambre de la reine-mère de s’en aller, les Châtillons y demeuraient jusqu’au moment où elle commençait à se déshabiller. Ils passaient alors dans la chambre du roi, où ils restaient jusqu’au moment où Charles IX se couchait. Alors les Châtillons tiraient les courtines de son lit, gagnant ensuite la grande salle, c’est-à-dire l’antichambre, où ils veillaient une heure et plus, toujours accompagnés de cent cinquante hommes d’élite. La reine-mère endurait tout cela, et même elle ne craignait pas de laisser voir sa bonne humeur !

Tel était, suivant le hargneux ambassadeur d’Espagne, le crédit de ces Châtillons et de leurs partisans sur la reine-mère.

On l’observa davantage, dans les premiers jours de janvier 1564. Anne d’Este, veuve de François de Guise, venait d’adresser au roi une supplique pathétique, réclamant une justice qui lui était bien due pour le « méchant meurtre » de son mari.

Anne d’Este, Mme de Guise, de la maison de Ferrare, celle que Brantôme nommait la « petite-fille du roi du peuple » (elle ressemblait beaucoup à son grand-père Louis XII), était une femme de trente-quatre ans, d’une ample et majestueuse beauté, qui

  1. Chastelier-Portaut. Voir Brantôme. Don Francès le nomme Chastelles.