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CATHERINE DE MÉDICIS

De cette cour, Perrenot de Chantonnay disait ne pouvoir rapporter en détail ce qui s’y passait d’abominable. Ainsi Mme de La Rochefoucauld ¹ cherchait à entraîner le roi vierge dans des amours avec une femme discrète. Et pour cela, elle avait jeté les yeux sur une demoiselle La Rouete 2, qui avait eu déjà des aventures avec feu M. de Vendôme, le galant roi de Navarre. On avait obtenu l’autorisation de la reine-mère pour lui présenter cette Rouete. La fête des Rois, qui dura trois jours, fut brillante. L’on prit les masques ; on sortit toutes les richesses du Trésor. Or parmi les bijoux, on aurait pu reconnaître les pierreries magnifiques que les hérétiques avaient dérobées à l’église de Rouen, lors du pillage récent, et que la reine-mère s’était fait attribuer ! Quel scandale, quelle désolation de voir la manière dont on s’y prenait pour corrompre un prince aussi chaste que Charles IX ! Car jusqu’alors ce jeune garçon s’était montré bien rétif sur le chapitre des amours. Il semblait vraiment « très gentil >>, et d’une excellente nature, si on ne le pervertissait pas, comme cherchait à le faire Mme de Crussol ³. Tout le monde s’en entretenait, avec un murmure de réprobation ; jamais, même au temps de l’innocence de François Ier, on n’avait vu porter autant de bijoux, comme cela fut observé durant ces fêtes. On remarquait tous les flatteurs parlant à l’oreille de ce pauvre prince, « au point que c’en était honteux ». Et le jour de la fête des Rois, l’aumônier de Charles IX, qui était en même temps son précepteur, Jacques Amyot, vint annoncer l’heure des vêpres. Tous ceux qui se tenaient à côté du roi, commencèrent à faire des grimaces à l’au1. Charlotte de Roye, sœur d’Éléonore. La chose parait surprenante de la part de ces puritaines. 2. Les documents espagnols disent toujours la Roeta, les documents fran. çais la Rouete. Il s’agit de Louise de La Béraudière, demoiselle de Rouet ou Rouhet, dite la belle Rouet, fille de la suite de Catherine deMédicis. Maîtresse d’Antoine de Navarre, elle devint la femme : 1° du baron d’Estissac ; 2º de Robert de Combaut. Brantôme, qui l’a particulièrement connue, lui adressa des vers (X, 429, 478). Voir plus loin ce que don Francès dira d’elle en 1571. 3. Mme de Crussol, dont le nom reviendra si souvent dans les relations espagnoles, surtout comme celui d’une grande « hérétique », désigne la vieille amie de Catherine de Médicis, Louise de Clermont-Tallard, épouse d’Antoine de Crussol, qui devint duc d’Uzès (Père Anselme, III, p. 769). De là le nom de duchesse d’Uzès que lui donnent plus habituellement les documents français. C’était une vieille dame, très sérieuse, mais pleine d’esprit, et de verdeur en son langage, qui éleva tous les enfants de Catherine. Il paraft qu’elle n’entendait pas volontiers la messe.


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