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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/69

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L’ARRÊT À SAINT-MAUR

cardinal de Lorraine, avait reçu la louange de Théodore de Bèze ;

car il semblait approuver, en grande partie, la confession d’Augs bourg, et il se montrait un luthérien quand il résidait en Alle magne. Ses missions en Italie, à Rome, à Bruxelles avaient sur tout prouvé sa splendeur. Le cardinal de Lorraine était enfin informé du monde, payant aussi libéralement ses agents que ceux

qui lui donnaient leur louange, annalistes ou poètes. Lors des premiers troubles, les réformés l’avaient déchiré, avec Hotmann, dans le pamphlet Au Tigre de la France, où le car dinal était représenté comme un hypocrite, un tyran aussi dan

gereux que Catilina. Ils l’avaient paré de tous les vices avec une générosité telle qu’ils lui avaient accordé le goût des hommes et des femmes. Sans doute, Charles de Lorraine avait quelques-uns des vices communs aux hommes de son temps ; mais on recon naissait surtout chez lui l’ambition, l’amour de l’argent, un man

que déplorable de courage, manifesté jusque dans la vie courante, et qui était la fable de la cour. Car il apparaissait aussi plat dans la débâcle qu’insolent dans ses triomphes. Il suffisait de le regar der, assis sur son banc, pour juger de son crédit.

Ronsard, qui a connu le cardinal de Lorraine aussi bien que Brantôme, l’avait chanté dans l’Hymne de Charles, rappelant pour sa famille la légende de Charlemagne, dont les Guises prétendaient descendre. Il vanta ses services rendus à l’étranger (on voudrait

le dire sans jeu de mots), le lettré qu’il se proposait d’être, écri vant dans les loisirs de son cabinet l’histoire de Henri II, et tour nant des vers. Son château de Meudon, avec ses jardins, où Ber

nard de Palissy placera des grottes et leurs rocailles, apparaissait à Ronsard comme le séjour des Muses et des poètes, des « mille vertus » de cet Ulysse pour l’éloquence, auteur de beaux sermons catholiques, et si apte en même temps à gouverner. Mais la louange du poète s’arrêta tout à coup, soit que le cardinal ne se

fût pas montré assez généreux, soit surtout que l’opinion du roi et de la reine se fût modifiée à son sujet. L’accueil réservé au cardinal de Lorraine, à Saint-Maur, sem

ble froid, comme le temps. Le château était vide, le roi étant parti à cheval pour courir dans la garenne ; et la reine-mère se prome nait dans le parc. Ainsi le cardinal attendit plusieurs heures dans la solitude. Et quand le roi fut rentré, le cardinal s’étant présenté avec de grandes révérences, un genou en terre, Charles IX le re

leva avec quelque froideur, lui mettant simplement la main sur >