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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/70

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CATHERINE DE MÉDICIS

l’épaule, comme on fait à un inférieur, le laissant debout, le chapeau rouge à la main, jusqu’au moment où le fils du connétable lui en fit la remarque. Même défiance chez le connétable qui lui posa également la main sur l’épaule, comme il l’eût fait à n’importe qui, et même le palpa pour savoir s’il n’était pas armé : « Vous êtes gaillard, Monseigneur, et en bonne santé. » Enfin la glace était rompue ! Mme de Crussol ayant embrassé le cardinal trois ou quatre fois, le prince de Condé fit de même. Mais le roi, l’abordant, semblait réciter une leçon : Quelles nouvelles du Concile ? — Sire, puisqu’ici sont réunis hérétiques et catholiques, je voudrais d’abord parler à la reine. Le connétable et le cardinal de Bourbon intervinrent : « En tout cas, l’édit de pacification doit être observé. Vous avez été si longtemps absent de la cour qu’il vous est impossible de comprendre l’importance de cette question. C’est un fait, net, assuré. >> Puis le roi reprit : « Il ne s’agit plus de parler des choses du passé. Par suite des intrigues de certains, la couronne est presque tombée de ma tête… » Ainsi il laissait entendre que la faute en retombait sur les morts… Le cardinal répondit : « Je n’en suis pas la cause, étant presque toujours absent. Je n’ai plus aucune intelligence avec ceux qui intriguent. »

La reine-mère survint. Et demeurée seule avec le cardinal, elle lui dit avec assurance, comme si c’était parole d’Evangile : « Le bruit court que vous rassemblez des reîtres et des troupes. Il y a bien de la duplicité, j’y insiste, chez ceux qui se disent les véritables défenseurs du royaume. Chantonnay ici, et les représentants du roi d’Espagne en Flandre, nouent beaucoup d’intrigues avec les Anglais, les excitent à se conduire comme ils font. Et le roi d’Espagne agit de même. >> Il faut dire que le Concile de Trente venait d’être le champ où apparut la faiblesse du cardinal de Lorraine. Lui qui avait parlé, dans sa mission en Allemagne, aussi librement qu’un luthérien, avait trahi au Concile la cause des évêques de France, dont neuf étaient cités devant l’Inquisition romaine ; il avait desservi la cause du pays et de son roi. Par là était perdue toute espérance d’une honnête conciliation, attendue par les catholiques libéraux français ou allemands, demandée même par l’archiduc d’Autriche sur ces points : maintenir dans le sacerdoce ceux qui avaient