Aller au contenu

Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 147 —

épargne de salutations hypocritiques, le tout pour se gausser de lui et ricasser à sa misère vilainement.

Longtemps durèrent ces laids manèges et grimaces, et Smetse vit le bout de sa patience : « Ha, » disait-il. « il me fâche être misérable, toutefois il me faut soumettre, car telle est de Dieu la sacre voulenté ; mais il me cuit trop amèrement voir cettuy méchant fourbe, qui par ses menées m’enleva mes chalands, s’ébaudir de ma misère. »

Cependant Slimbroek ne cessait du tout, et à tous jours il devenait plus aigre en ses paroles, car il portait tant plus grande haine au bon forgeron qu’il lui avait fait plus grand tort.

Et Smetse promit de se revancher de lui, afin de lui ôter d’ores en avant son goût au ricassement.

Adoncques à un dimanche qu’il se tenait sus le quai des Bateliers, regardant la rivière ensemble avec grande foule de bateliers, bourgeois, garçonnets et écoliers oisifs à cause de la fête, soudain issit hors un musico en lequel il avait humé force pintes, Slimbroek plus hardi qu’il n’avait accoutumé, à cause de la boisson. Voyant Smetse, il se vint bouter tout contre lui, et avec force gesticulations, stridents éclats de voix et de rire, il lui dit bien insolemment : « Mais, bon jour, Smetse, bon jour, mon ami cher. Comment est ton portement,