Aller au contenu

Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 148 —

Smetse ? Tu me sembles perdre ta graisse qui était bonne, Smetse. C’est grand pitié. D’où vient ce ? Serais-tu fâché d’avoir perdu tes chalands, Smetse ? Il faut boire, pour faire rentrer la joie en ton stomach, Smetse. On ne te voit plus à vêpres en l’auberge de Pensaert ; pourquoi Smetse ? Te faut-il aucuns royaux pour boire ? J’en ai pour toi, si tu le veux, Smetse. » Et il faisait sonner son escarcelle.

— « Grand merci, » dit Smetse, « tu es trop gracieux, maître Slimbroek, c’est à moi de te payer à boire présentement. »

— « Ha, » s’exclama Slimbroek, feignant pitié et compassion, « pourquoi me vouloir payer à boire ? le monde sait assez que tu n’es point riche, Smetse. »

— « Riche assez, » répondit le forgeron, « pour te faire boire le plus beau coup que tu bus oncques. »

— « Voyons le jeu, » dit Slimbroek parlant à la foule des bateliers et bourgeois, « voyons le jeu. Smetse paie à boire. Le monde va finir. C’est l’année des guenilles dorées. Smetse paie à boire. Ha ! je humerai voulentiers la bruinbier payée par Smetse. J’en ai soif de sable africain, soif des dimanches, soif de diable parbouillant ès chauderons de Lucifer. »

— « Bois donc, Slimbroek, » dit Smetse, et il le jeta dans la rivière.