Aller au contenu

Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 149 —

Ce que voyant plaudit le monde qui était sur le quai, et un chacun se vint mettre sus le bord afin de bien considérer la contenance de Slimbroek, lequel, tombant à l’eau la tête la première, avait troué le ventre à un chien mort depuis longtemps jà, et suivant le courant comme ont carognes accoutumé. Et il s’était coiffé dudit chien bien merveilleusement et ne s’en pouvait défaire, étant de ses bras empêché à nager, et il avait de matiere fétide, la face toute embousée.

Non obstant qu’il en fut comme aveuglé, il n’osait pour sortir hors l’eau, monter sur le quai où se tenait Smetse, et nageait vers l’autre, coiffé de sa carogne et soufflant comme cent diables.

« Or çà, » disait Smetse. « comment trouve-tu la bruinbier, n’est-elle de tout le pays de Flandre la meilleure ? Mais, monsieur, ôtez pour boire votre couvre-chef ; on ne vit oncques se pourmener par la rivière gens ainsi coiffés. »

Slimbroek étant au milieu de l’eau, contre le pont, Smetse vint sus ledit pont avec tout le monde, et Slimbroek, ne cessant de souffler, cria à Smetse : « Je te ferai pendre, méchant réformé. »

« Ha, » disait le bon forgeron, « vous faites erreur, mon ami, ce n’est point moi qui veux réforme, mais vous qui l’induisez ès couvre-chefs. Où prîtes-vous