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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/232

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l’eau à la bouche ; que ne me jettes-tu quelqu’une de ces tant bonnes prunes ? »

— « Las ! messire, » dit Smetse, « je ne le puis ; elles fondraient en eau tombant à terre, tant elles sont délicates. Mais s’il vous plaît monter sus l’arbre, vous y aurez plaisir bien grand.

— « Je le veux, » dit le diable.

Quand il se fut bien sis sus une forte branche, et à se délectait à l’aise, mangeant prunes, Smetse descendit bien subtilement, prit un bâton gisant sus le gazon et commença l’en férir à toute force.

Sentant les coups, le diable voulut sauter sus au forgeron, mais il ne le put, car la peau de son séant tenait à la branche ; et il sifflait, écumait, grinçait de male rage et aussi de la douleur que lui causait sa peau tendue.

Cependant Smetse le houcepeignait, caressait du bâton ès tous lieux de son corps, le frottait jusques à l’os, déchirait sa souquenille et lui baillait allègrement les plus beaux et forts coups qui furent oncques portés ès pays de Flandres. Et il disait ; « Vous ne sonnez mot de mes prunes, Messire ; ne seraient-elles point bonnes ? »

— « Ha ! » s’exclamait Hessels, « que ne suis-je libre ! »

— « Las, oui ! que n’êtes-vous libre ! » répondait