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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/256

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de grâce particulière ; mais, souffrant, j’ai prié humblement et avec confiance mon benoît patron, Monsieur saint Joseph, et il a daigné me venir en aide. »

— « Narre-moi le fait, forgeron. »

— « Sire, » répondit Smetse montrant le sac, voyez-ci mon remède. »

— « Ce sac ? » interrogea le diable.

— « Oui, Sire ; mais que Votre Majesté daigne de près considérer le chanvre duquel il est fait. N’en jugez-vous point l’espèce tout à fait étrange ? Las ! » dit Smetse poursuivant son propos et paraissant entrer en extase, « nous ne sommes point destinés, nous autres pauvres hommes, à voir tous les jours pareil chanvre. Aussi n’est-ce point chanvre terrestre, mais chanvre céleste, chanvre du bon paradis, semé par Monsieur saint Joseph autour de l’arbre de vie, récolté et tissé par ses ordres exprès pour en faire sacs à serrer les fèves que mangent Messieurs les anges aux jours d’abstinence. »

— « Mais, » interrogea le diable, « comment ce sac te vint-il ès mains ? »

— « Ha, Sire, par grande merveille : j’étais, un soir, au lit, pâtissant vingt morts de mes ulcères, et tout prêt à trépasser ; je voyais ma bonne femme plourer, j’ouyais mes voisins et manouvriers, desquels il en est