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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/106

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et incrusté d’autres bois ornementaux, déjeté en arrière selon un angle oublié, et muni de ces deux portes pliantes qui donnaient à l’occupant l’impression d’être enfermé dans un meuble du XVIIIe siècle. Pourtant, malgré toutes ces bizarreries, c’était incontestablement un hansom-cab, un de ces véhicules uniques que l’œil étranger d’un juif intelligent a caractérisé d’un mot : la gondole de Londres.

Le plupart d’entre nous savent que lorsque l’on dit d’une chose qu’elle est très perfectionnée, cela signifie que tout ce qui en faisait le caractère a disparu. Tout le monde a des automobiles, mais personne n’a jamais pensé à avoir un hansom-cab automobile. Avec ce vieux type de voiture a disparu le charme particulier à la « gondole » (auquel Disraeli faisait peut-être allusion) : le fait qu’il n’y a place que pour deux. Plus triste encore, quelque chose disparut qui était bien spécial, et frappant, et propre à l’Angleterre : cette vertigineuse et quasi divine élévation du cocher au-dessus de son client. Quoi qu’on puisse reprocher au capitalisme anglais, il existait au moins un antique véhicule, ou un groupe équestre, dans lequel le pauvre trônait au-dessus du riche. Jamais plus, dans aucune voiture, on ne verra le client soulever désespérément une petite trappe dans le toit, et parler au prolétaire invisible comme à un dieu inconnu. Aucune autre combinaison ne nous fera toucher du doigt aussi symboliquement et réellement combien nous dépendons de ce que nous appelons les « classes inférieures ». Personne ne pouvait penser à des hommes assis sur ces trônes olympiques comme à une classe inférieure. Ils étaient clairement les maîtres de nos destinées, nous conduisant d’en haut comme les divinités célestes. Chacun de ces hommes haut-perchés avait sa physionomie parti-