Aller au contenu

Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

culière ; et en effet on ne pouvait confondre avec aucun autre le dos même de l’homme assis sur le bon vieux cab, quand Murrel vint auprès de lui. C’était un individu large d’épaules, avec des favoris assortis à la province reculée où se passait la scène.

Au moment où Murrel approchait, l’homme, fatigué d’attendre son client, descendit péniblement de son siège et resta debout à regarder ce qui se passait dans la rue. Murrel était passé maître dans l’art de tirer les vers du nez à la grande démocratie ; il eut tôt fait de lier conversation avec le cocher. Il entama un colloque dont les trois premiers quarts au moins n’avaient aucun rapport avec ce qu’il désirait savoir. Il avait découvert depuis longtemps que c’était le moyen le plus rapide d’arriver au but, un véritable raccourci.

Ainsi commença-t-il à découvrir des choses qui ne manquaient pas d’intérêt. Il avait appris que le cab était un monument historique dans son genre, et digne d’un musée, car il appartenait au cocher. Murrel se rappela cette ancienne conversation avec Olive Ashley et Braintree sur la boîte à couleurs qui devait appartenir au peintre, et la mine au mineur. Le vague plaisir éprouvé par lui à la vue de cet absurde véhicule n’était-il pas un hommage à quelque vérité ? Mais il découvrit d’autres choses encore : que le cocher en avait assez de son client, et en même temps qu’il en avait un peu peur. Il trouvait bien ennuyeux ce monsieur inconnu qui le faisait attendre tantôt devant une maison, tantôt devant une autre, au cours d’une interminable pérégrination à travers la ville ; mais d’autre part, ce client semblait avoir le droit officiel de visiter tous ces endroits, et parlait comme quelqu’un qui est dans la police. On