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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/119

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princesse allemande alliée à sa famille, Julian Archer se transformait immédiatement en paladin prêt à traverser l’Europe en faveur de celle-ci, sans penser un instant aux cinq autres princesses qui n’occupaient pas l’attention publique.

Rien de factice ou de pharisaïque dans cette habitude de cultiver des enthousiasmes successifs. Tour à tour, et sur chaque sujet, la belle et ardente tête d’Archer se tendait d’un côté à l’autre de la table avec la même expression de protestation irrésistible et d’indignation débordante. Et Murrel, assis en face de lui, réfléchissait que c’était là ce qui fait l’homme politique : cette faculté de s’emballer toujours sur des sujets à l’ordre du jour.

— Vous ne pouvez vous y opposer, personne ne le peut ! s’était écrié Archer. Cette loi a simplement pour but d’introduire un peu plus d’humanité dans les asiles.

— Je le sais, avait répondu son ami avec quelque amertume. Elle introduit beaucoup plus d’humanité dans les asiles, en effet ! Mais il y a toujours une grande partie de l’humanité, je vous assure, qui ne se soucie pas d’être introduite dans un asile.

Archer rappela une disposition nouvelle qui s’appliquait tout à fait au cas présent. C’était une discrétion plus grande dans la procédure ; un magistrat spécial devait régler tous ces cas dans une entrevue aussi intime qu’une visite médicale.

— Nous devenons plus civilisés en toutes ces matières. C’est comme les exécutions publiques : autrefois, on pendait un homme devant une foule, maintenant la chose se fait plus décemment.

— Tout de même, grommela Murrel, belle consolation si nos amis et nos parents se mettaient à disparaître sans bruit. Nous avons égaré notre mère,