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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/137

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riant avec une indifférence bien rare chez ses pareilles.

On eût dit qu’elle avait découvert quelque chose qui l’intéressait beaucoup plus que la poésie.

Braintree ne se laissait pas facilement entraîner au bavardage. Il continua, de sa manière tranquille, mais insistante, en homme qui médite toujours les poings serrés :

— Je vous répète qu’en le voyant au centre de la scène, planant au-dessus de tout et déclarant qu’il jetterait son sceptre aux orties et retournerait errer dans les bois avec un épieu, j’ai compris…

— Le voilà ! s’écria Olive vivement, et baissant la voix elle ajouta : Et le plus drôle, c’est qu’il se promène encore dans les bois avec un épieu…

En effet, Herne était toujours dans son costume de proscrit. Il avait sans doute oublié de changer de vêtements, et il serrait toujours inconsciemment dans sa main le long épieu de chasse sur lequel il s’appuyait.

— Dites-moi, s’écria Braintree, n’allez-vous pas mettre d’autres vêtements pour le lunch ?

Le bibliothécaire regarda une fois de plus ses jambes et dit d’une voix sourde :

— Quels autres vêtements ?

— Oh ! peu importe, dit la jeune fille ; maintenant, vous ferez tout aussi bien de ne changer qu’après le lunch.

— Oui, répondit l’automate distrait, de la même voix de bois, et il s’en alla avec ses longues jambes vertes et son épieu.

Le lunch fut sans cérémonie, en effet ; et bien que les autres acteurs eussent trouvé le temps de sortir de leurs costumes de théâtre, ils n’étaient pas tous rentrés dans leurs vêtements coutumiers. Quelques-