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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/151

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de son cabinet de travail. S’il s’était agi d’une révolution au Guatémala, il en aurait su tous les détails aussitôt après avoir communiqué avec le ministre du Guatémala à Londres. Si elle avait eu lieu dans le nord du Thibet, il aurait naturellement envoyé chercher Biggle, le seul homme qui ait été réellement dans le nord du Thibet. Mais comme c’était dans son parc et dans ses salons que la révolution errait en rampant et en rugissant, il se méfiait de rapports qui ne pouvaient être qu’exagérés.

Il arriva donc, environ quinze jours plus tard, que Lord Seawood était assis dans un pavillon au bout d’une allée qui faisait face à la bibliothèque, en grand conciliabule avec le Premier Ministre. Dans tout le paysage, il ne voyait que le Premier. Ce n’était pas snobisme, car il se considérait au point de vue social et généalogique comme supérieur à n’importe quel Premier Ministre, quoique celui dont il s’agit fût Lord Eden. Mais il attachait une grande importance à ne conférer qu’avec des hommes d’importance.

Lord Eden était un homme dont le visage maigre et ridé contrastait avec ses cheveux jaunes au point de faire prendre ceux-ci pour une perruque.

C’était lui qui tenait le dé de la conversation, mais son hôte ne perdait jamais la gravité qui convient pour écouter un rapport fait au quartier-général.

— Le mal est, disait le Premier, que leur parti a produit brusquement un individu qui a la foi. Ce n’est pas de jeu. Nous connaissions bien tous les membres du Labour-Party, et ils ressemblaient terriblement aux autres. Cela ne servait à rien de les insulter, mais on pouvait les gagner peu à peu. On leur disait qu’ils étaient d’admirables parlementaires, et des adversaires dignes de notre épée ; et puis, tôt ou