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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/178

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venir. Un peu plus tard, au cours de la cérémonie, elle se trouva près de Rosamund. Elle baissa la voix et dit, comme si elle révélait un secret :

— Il est convaincu, il comprend ! Ce n’est pas un snob, ni un bravache, ni rien de pareil. Il croit réellement au bon vieux temps, et aussi au bon temps présent.

— Mais bien sûr qu’il est convaincu ! s’écria Rosamund très indignée. Bien sûr, il croit, et agit en conséquence ! Si vous saviez ce que c’est pour moi de voir enfin faire quelque chose, après ces éternels bavardages dans le vide du Singe, de Julian et des autres. De plus, il a tout à fait raison de croire à son rêve. Qui donc pourrait s’en moquer ? De magnifiques vêtements sont moins risibles que des laids. Nous aurions dû nous tordre de rire au temps où les hommes portaient des pantalons ! Et elle continua à déverser son flot d’éloquence avec toute la passion qu’une jeune fille réaliste met à répéter les opinions d’autrui.

Olive, pendant ce temps, regardait du côté de la longue route blanche qui s’en allait vers le couchant et semblait fondre son argent dans tout ce cuivre et cet or.

— On me demandait un jour, dit-elle, si je croyais au retour du Roi Arthur. Par un soir pareil… n’imaginez-vous pas le couronnement suprême, et quelque chevalier de la Table ronde surgissant sur la route, au loin, pour nous apporter un message du Roi ?

— Comme c’est curieux, dit Rosamund, voilà justement quelqu’un qui vient là-bas, à cheval, je crois.

— On dirait plutôt quelqu’un derrière un cheval, dit Olive à voix basse. Ce soleil couchant m’éblouit. Serait-ce un char du Moyen-Âge ?

— C’est un équipage bien bizarre, dit Rosamund, et sa voix aussi s’était altérée.