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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/193

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qui le Singe était en bons termes. Il causait, ou plutôt il écoutait avec les autres, et son visage large, luisant, réjoui, semblait approuver tout ce qui se disait. Si Miss Ashley avait mieux connu la vie populaire, elle aurait compris la signification menaçante de la présence de ces pauvres Anglais somnolents et aimables parmi les groupes sombres des rues. Mais un moment après, elle avait tout oublié : elle venait à peine de réussir à pénétrer dans une enceinte extérieure du temple de la Bureaucratie (cela ressemblait étrangement à faire antichambre dans un bureau du Gouvernement) qu’elle entendit la voix de Braintree au dehors, dans le corridor, et il pénétra rapidement dans la pièce.

Quand John Braintree entra, Olive embrassa d’un clin d’œil tout ce qui lui plaisait dans sa personne et tout ce qui lui déplaisait dans ses vêtements. Il n’avait pas laissé repousser sa barbe, bien qu’il eût rejoint la révolution ; il était toujours maigre, et son air farouche était en partie l’effet de son énergie ; il semblait aussi vigoureux que jamais. Quand il aperçut Olive, il parut abasourdi et stupéfié par le seul fait de sa présence. Tous les soucis disparurent de ses yeux et furent remplacés par une sorte de chagrin lumineux ; car les soucis ne sont jamais que soucis, tandis qu’un chagrin est souvent l’envers d’une joie. Quelque chose la fit se dresser et parler avec une simplicité contre nature :

— Que puis-je dire ? fit-elle. Je crois maintenant que nous devons nous séparer…

Ainsi, pour la première fois, ils reconnaissaient entre eux qu’ils s’étaient rejoints.

Sans s’être jamais fait de confidences, Miss Ashley et Braintree avaient causé si souvent et si longuement de toutes sortes de choses qui les intéressaient beau-