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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/202

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— Ma foi, dit Murrel d’un air détaché, qu’est-ce qu’il pouvait faire d’autre ? Si j’étais à sa place…

— Mais vous n’êtes pas à sa place, cria-t-elle avec véhémence, vous n’êtes pas un rebelle ni un insurgé. Ne serait-il pas temps, Douglas, que vous soyez enfin à votre place ?

Murrel sourit avec lassitude :

— J’admets qu’il m’arrive de voir les deux côtés d’une question. À force de tourner autour, direz-vous peut-être.

— Je dis, répondit-elle avec colère, que je n’ai jamais rencontré un homme qui voie les deux côtés d’une question sans éprouver le désir de le gifler sur les deux joues.

De peur de céder à cette impulsion, elle partit en coup de vent et parcourut les longues pelouses jusqu’au vieux jardin en terrasse où l’on avait représenté « Blondel le Troubadour ». Ce souvenir lui revint avec un serrement de cœur, car dans ce théâtre de verdure désert, une silhouette verte, solitaire, avec une crinière de cheveux clairs et une tête léonine dressée, regardait par dessus la vallée vers la ville fumeuse.

Rosamund s’arrêta, saisie dans un réseau de souvenirs et de visions aimées et perdues, La musique, les émotions de la représentation lui revinrent, calmant un moment sa soif d’action ; mais bientôt elle eut écarté ces toiles d’araignée et parla de sa belle voix ferme.

— Vous savez que vos révolutionnaires ont envoyé leur réponse. Ils ne veulent pas venir devant la Cour.

Herne regarda autour de lui à la manière des myopes ; seul le délai qu’il prit avant de parler trahit son émotion d’avoir entendu la voix qui le saluait.

— Oui, j’ai reçu leur message, dit-il doucement ;