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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/236

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que Rosamund et Michaël Herne sont amoureux l’un de l’autre ?

— Je vois que je ne sais pas grand’chose, dit-il ; mais si c’est vrai, je comprends votre tristesse.

— Il faut que j’aille la trouver, dit Olive. Mais comment vais-je l’aborder ?

Elle traversa le jardin, maintenant désert, et se dirigea vers la maison, s’arrêtant un moment à regarder le monument dressé sur la pelouse, la statue brisée qui foulait le Dragon aux pieds. Pendant qu’elle le regardait, des images étranges et nouvelles montaient à son âme et à ses yeux. Dans la lumière intense de son bonheur, il semblait qu’elle les vît pour la première fois.

Puis elle regarda autour d’elle, presque effrayée par le silence qui avait succédé à toute l’effervescence de cet horrible après-midi. Il n’y avait pas une heure que des foules irritées se heurtaient sur la grande pelouse, enclose de trois côtés par la façade et les ailes des bâtiments de l’Abbaye, et maintenant elle était aussi déserte que les parvis d’une cité des morts. Le soir ramenait l’obscurité ; la pleine lune montait, les faibles ombres de la nouvelle clarté remplaçaient peu à peu les dernières ombres du jour sur les gargouilles et les ornements gothiques. Alors, tout ce vieux bâtiment, dont la façade changeait d’aspect sous la lumière lunaire, grandit soudain devant son esprit, prenant un sens tout nouveau pour elle, un sens qu’elle aurait dû pourtant être la première, semblait-il, à comprendre. Ce dessin aigu et effilé, dont elle avait parlé légèrement à Murrel, longtemps auparavant, les verres sombres des fenêtres, riches de couleurs qu’on ne pouvait bien voir que de l’intérieur, lui révélèrent soudain quelque chose, une sorte de paradoxe surprenant. À l’intérieur,