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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/239

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— Laissez-moi essayer de parler, dit Olive avec émotion ; il me semble que ma pensée ne m’appartient pas et que je dois la répandre. Il y a des gens auxquels il est inutile de parler de la fleur de la Chevalerie, cela ne signifie rien pour eux. Mais si nous voulons voir refleurir la Chevalerie, il nous faut revenir tout droit à la racine de la Chevalerie. Il nous faut y retourner, même si nous la trouvons dans ces buissons d’épines qu’on appelle Théologie. Il nous faut penser différemment sur la mort, sur le libre-arbitre, sur la solitude dernière et l’appel suprême. Il en est de même de ces choses populaires que nous remettons à la mode, danses, cortèges, spectacles, et la manie de tout appeler corporations. Des milliers de nos pères faisaient ces choses — des gens très ordinaires, pas des originaux. Nous nous demandons comment ils faisaient. Ce qu’il vaudrait mieux nous demander, c’est pourquoi ils le faisaient ? Rosamund, je vous dirai pourquoi ils le faisaient… Quelqu’un vivait ici. Quelqu’un qu’ils aimaient. Certains d’entre eux l’aimaient si fort… Oh ! vous et moi nous savons quel est l’unique signe de cet amour — ils voulaient être seuls avec Lui.

La statue remua faiblement comme si elle se détournait. Olive, prise de remords, lui saisit de nouveau le bras.

— Vous devez me croire folle de parler ainsi quand vous souffrez. Mais il me semble que je suis pleine d’une grande nouveauté — de quelque chose de plus grand qu’un univers de chagrins. Rosamund, il y a réellement de la joie. Non pas des joies, de petites joies nées de ceci ou de cela ; mais la joie elle-même, cette grande chose dont nous voyons seulement l’image dans des miroirs — qui se brisent quelquefois. Et cette joie vivait ici. C’est pourquoi ces hommes ne