Aller au contenu

Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Croyez-vous qu’un commerçant de cette sorte puisse disparaître sans laisser aucune trace ? Ne seriez-vous pas en état de retrouver quelque part un homme de ce genre et sa marchandise ?

— Oui, dit l’autre lentement, je pense que je le retrouverais quelque part, certainement ; je pense qu’il aurait trouvé une situation dans nos usines, ou dans quelque grosse maison.

— Ah ! dit Murrel ; et il retomba dans un silence lourd de réflexions.

Puis tout à coup :

— Si on en vient là, beaucoup de nos petits propriétaires et gentilshommes campagnards sont assez mal en point de nos jours. Mais je suppose qu’on les retrouverait maîtres d’hôtel ou valets de pied chez quelque duc !

— Oh !… Je pense que ce serait un peu différent, dit l’administrateur gauchement, incertain s’il devait rire ou non. Il se retira dans un arrière-bureau pour compulser des annuaires et des fiches. Il laissa à son visiteur l’impression qu’il consultait la lettre H pour découvrir le nom de Hendry ; mais en réalité il parcourait la lettre M pour trouver le nom de Murrel. Le résultat de cette seconde enquête l’ayant engagé à suivre la première, il se plongea dans un examen plus approfondi de ses livres, il convoqua, questionna les chefs les plus anciens de divers services ; puis, après une forte dose de ce travail inutile, il tomba sur la trace de l’affaire oubliée, et une fois relevée, la suivit avec la ténacité désintéressée d’un détective dans un roman policier. Après un laps de temps considérable il revint vers Murrel, un large sourire sur les lèvres, et se frottant triomphalement les mains :

— Très aimable à vous de nous complimenter sur