Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/244

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notre âme ? Celui que les mauvais traitements réjouissent, de telle sorte qu’il se venge par des bienfaits de celui qui le blesse, comment serait-il accessible au chagrin ? Mais, me dit-on, un tel caractère est-il possible ? Nous n’avons qu’à vouloir pour le rendre possible. L’apôtre continue et nous montre le chemin : « Priez sans cesse (17). Rendez grâces à Dieu en toutes choses, car c’est là la volonté de Dieu (18) ».

Toujours des actions de grâces, voilà la sagesse. Vous avez éprouvé quelque mal ? Mais, si vous le voulez, il n’y a pas là de mal ; bénissez Dieu, et le mal se transforme en bien dites-vous aussi, comme Job : « Que le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles ». (Job. 1,21) Car, répondez-moi, qu’avez-vous souffert qui ressemble à ce qu’il a souffert ? La maladie est tombée sur vous ? Il n’y a là rien d’étrange ; notre corps est mortel et fait pour la souffrance. Mais la pauvreté vous a surpris ; vous n’avez plus d’argent ? Mais l’argent se gagne et se perd, il n’a d’usage qu’ici-bas. Vous avez été attaqué, calomnié par des ennemis ? Mais ce n’est pas nous qui avons souffert, en cela, aucun mal ; le mal est pour ceux qui nous ont fait injure. En effet, dit le Prophète, « l’âme qui commet le péché, mourra elle-même ». (Ez. 18,20) Or, le pécheur, ce n’est pas celui qui a souffert, mais celui qui a fait le mal ; donc il ne faut pas se venger de celui qui est dans la mort, mais prier pour lui, afin de l’affranchir de la mort. Ne voyez-vous pas que l’abeille meurt en frappant de son aiguillon ? Dieu se sert de cet animal pour nous montrer que nous ne devons jamais nuire aux autres hommes ; c’est nous, en effet, qui nous frappons de mort. Il peut se faire qu’en les frappant, nous leur causions une petite douleur ; mais nous, nous y perdons la vie comme l’abeille. C’est ce que dit l’Écriture : « Combien l’abeille est travailleuse » ; l’ouvrage qu’elle produit rend la santé aux rois et aux particuliers, mais ne la défend en rien de la mort ; il faut absolument qu’elle périsse. Si le mal qu’elle fait n’est pas racheté par tant de services, il en est de même, à bien plus forte raison, pour nous.

3. C’est vraiment ressembler aux bêtes les plus féroces que de commencer à nuire à quelqu’un sans provocation de sa part ; et même c’est être pire que les bêtes féroces, car si vous les laissez dans leurs solitudes, si vous n’exercez contre elles aucune contrainte, aucune violence ; elles ne vous feront jamais de mal, elles n’iront pas vous trouver, elles n’iront pas vous mordre, elles passeront leur chemin. Mais toi, ô homme, toi qui es doué de raison, qui as reçu en privilège tant de puissance, d’honneur et de gloire, tu n’imites pas même la conduite des bêtes féroces envers les animaux de la même espèce, et tu commets l’injustice contre ton frère, et tu le dévores. Et comment pourras-tu t’excuser ? N’entends-tu pas la voix de Paul : « Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt qu’on vous fasse tort ? Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt qu’on vous trompe ? Mais c’est vous-mêmes qui faites tort aux autres, et qui les trompez, et qui faites cela à vos frères ». (1Cor. 6,7-8) Voyez-vous que faire le mal c’est le subir, que savoir le supporter c’est éprouver un bien ? En effet, dites-moi, je vous prie, supposez un homme qui attaquerait de ses injures les magistrats, qui insulterait les puissances, à qui ferait-il du tort ? À lui-même ou à ceux qu’il attaquerait ? Évidemment, il ne nuirait qu’à lui-même. Celui qui outrage les magistrats, n’outrage pas en réalité les magistrats, il n’outrage que lui-même ; celui qui outrage un homme, par cela même n’outrage-t-il pas le Christ ? Nullement, me réplique-t-on. Que dites-vous là ? Celui qui lance des pierres contre les images de l’empereur, contre qui lance-t-il des pierres ? N’est-ce pas contre lui-même ? Si lancer des pierres contre l’image du souverain de la terre n’est pas autre chose que les lancer contre soi-même, outrager l’image du Christ (car l’homme est l’image de Dieu), n’est-ce pas s’outrager soi-même ?

Combien de temps encore serons-nous amoureux des richesses ; car je ne cesserai pas de les poursuivre de mes cris, voilà la cause de tous nos maux. Combien de temps encore nous montrerons-nous insatiables, impuissants à assouvir cette faim que rien n’apaise ? Qu’y a-t-il donc de si beau dans l’or ? Je ne reviens pas de ma stupeur ; en vérité il faut qu’il y ait là je ne sais quel prestige, comment expliquer cette considération si profonde qui s’attache à l’or, à l’argent parmi nous. Nous ne faisons aucun cas de ces âmes qui sont nos âmes, mais nous sommes à genoux devant des images inanimées ? D’où est venue, à la terre, cette maladie ? Qui donc aura le pouvoir de la faire disparaître ? Quel discours aura pour