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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/216

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claudine à l’école

monsieur très bon, que papa et moi nous connaissons beaucoup ; il sera gentil pour moi.

Mlle Sergent paraît, concentrée et silencieuse, en ce moment de bataille. « Vous n’oubliez rien ? Partons. » Notre petit peloton passe le pont, grimpe des rues, des ruelles, arrive enfin devant un vieux porche endommagé, sur la porte duquel une inscription presque effacée annonce Institution Rivoire ; c’est l’ancienne pension de jeunes filles, abandonnée depuis deux ou trois ans pour cause de vétusté. (Pourquoi nous parque-t-on là-dedans ?) Dans la cour à demi dépavée, une soixantaine de jeunes filles bavardent activement, en groupes bien scindés : les écoles ne se mêlent pas. Il y en a de Villeneuve, de Beaulieu, et d’une dizaine de chefs-lieux de canton ; toutes, massées en petits groupes autour de leurs institutrices respectives, abondent en remarques dénuées de bienveillance sur les écoles étrangères.

Dès notre arrivée, nous sommes dévisagées, déshabillées ; on me toise, moi surtout, à cause de ma robe blanche rayée de bleu, et de ma grande capeline de dentelle qui font tache sur le noir des uniformes ; comme je souris avec effronterie aux concurrentes qui me regardent, on se détourne de la façon la plus méprisante qu’on sache. Luce et Marie rougissent sous les regards et rentrent dans leur coquille ; la grande Anaïs exulte de se sentir ainsi épluchée. Les examinateurs ne sont pas encore arrivés ; on piétine ; je m’ennuie.