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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/281

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claudine à l’école

Nous étions quatre, une après-midi, assises sur un banc dans l’ordre que voici :

Marie — Anaïs — Luce — Claudine.

Après s’être fait dûment expliquer mon plan, tout bas, mes deux voisines se lèvent pour se laver les mains, et le milieu du banc reste vide, Marie à un bout, moi à l’autre. Elle dort à moitié sur son arithmétique. Je me lève brusquement ; le banc bascule : Marie, réveillée en sursaut, tombe les jambes en l’air, avec un de ces cris de poule égorgée dont elle a le secret, et nous montre… qu’effectivement elle ne porte pas de pantalon. Des huées, des rires énormes éclatent ; la Directrice veut tonner et ne peut pas, prise elle-même d’un fou rire ; et Aimée Lanthenay préfère s’en aller, pour ne pas offrir à ses élèves le spectacle de ses tortillements de chatte empoisonnée.

Dutertre ne vient plus depuis des temps. On le dit aux bains de mer, quelque part, où il lézarde et flirte (mais où prend-il de l’argent ?) Je le vois, en flanelle blanche, en chemises molles, avec des ceintures trop larges et des souliers trop jaunes ; il adore ces costumes un peu rastas, très rasta lui-même sous ces teintes claires, trop hâlé et d’yeux trop brillants, les dents pointues et la moustache d’un noir roussi comme si on l’avait flambée. Je n’ai guère pensé à sa brusque attaque dans le couloir vitré — l’impression a été vive