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claudine à l’école

Nous vivons dans la joie ! Les livres et les cahiers dorment sous les pupitres fermés, et c’est à qui se lèvera la première pour courir tout de suite à l’École transformée en atelier de fleuristes.

Je ne paresse plus au lit, non, et je me presse tant d’arriver tôt que j’attache ma ceinture dans la rue. Quelquefois nous sommes déjà toutes réunies dans les classes quand ces demoiselles descendent enfin, et elles en prennent à leur aise aussi, au point de vue toilette ! Mademoiselle Sergent s’exhibe en peignoir de batiste rouge (sans corset, fièrement) ; sa câline adjointe la suit, en pantoufles, les yeux ensommeillés et tendres. On vit en famille ; avant-hier matin Mlle Aimée, s’étant lavé la tête, est descendue les cheveux défaits et encore humides, des cheveux dorés doux comme de la soie, assez courts, annelés mollement à l’extrémité ; elle ressemblait à un polisson de petit page, et sa Directrice, sa bonne Directrice, la buvait des yeux.

La cour est désertée ; les rideaux de serge, tirés, nous enveloppent d’une atmosphère bleue et fantastique. Nous nous mettons à l’aise, Anaïs quitte son tablier et retrousse ses manches comme une pâtissière ; la petite Luce, qui saute et court derrière moi tout le long du jour, a relevé en laveuse sa robe et son jupon, prétexte pour montrer ses mollets ronds et ses chevilles fragiles. Mademoiselle, apitoyée, a permis à Marie Belhomme de fermer ses livres ; en blouse de toile à rayures noires