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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/308

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CLAUDINE À L’ÉCOLE

rectrice, étonnée, reste un instant perplexe, et conclut avec insouciance : « Bah ! nous verrons bien ! Ce n’est qu’un prêt, en somme, — un peu forcé. » Nous n’avons jamais, jamais, entendu parler de rien, mais le père Caillavaut a hérissé de tessons et de fers de lance ses murs ; (ce vol nous a valu une certaine considération, ici on se connaît en brigandage). Nos fleurs furent placées au premier rang, et puis, ma foi, dans le tourbillon de l’arrivée ministérielle, on oublia complètement de les rendre ; elles embellirent le jardin de Mademoiselle.

[Ce jardin est depuis pas mal de temps l’unique sujet de discorde entre Mademoiselle et sa grosse femme de mère ; celle-ci, restée tout à fait paysanne, bêche, désherbe, traque les escargots dans leurs derniers retranchements, et n’a pas d’autre idéal que de faire pousser des carrés de choux, des carrés de poireaux, des carrés de pommes de terre, — de quoi nourrir toutes les pensionnaires sans rien acheter, enfin. Sa fille, nature affinée, rêve de charmilles épaisses, de fleurs en buissons, de tonnelles enguirlandées de chèvrefeuille, — des plantes inutiles, quoi ! De sorte qu’on peut voir tantôt la mère Sergent donner des coups de pioche méprisants aux petits vernis du Japon, aux bouleaux pleureurs, tantôt Mademoiselle danser d’un talon irrité sur les bordures d’oseille et les ciboulettes odorantes. Cette lutte nous tord de joie. Il faut être juste et reconnaître aussi que, partout